A un sanglot de moi, tu reposes (Fantastique) (French Edition) by Mathieu Guibé

A un sanglot de moi, tu reposes (Fantastique) (French Edition) by Mathieu Guibé

Auteur:Mathieu, Guibé [Mathieu, Guibé]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782359001839
Éditeur: Lokomodo
Publié: 2013-05-22T22:00:00+00:00


Vie de Merde LOCATION

Dans ma profession, toute identité est inutile. Je suis ce qu’on pourrait désigner communément comme un vengeur masqué. Je rétablis un soupçon de justice, là où les forces de l’ordre ont échoué. Je suis l’ultime barrière qui évite à la civilisation de sombrer dans le chaos. Enfin ça, ce sont les conneries inscrites sur la quatrième de couverture de la plupart des comic-books. Je ne me rappelais plus la dernière fois que j’avais trouvé ça cool. En revanche, gamin, j’étais fasciné par ces héros volants, au point de vouloir leur ressembler. À peu près comme tous les gosses en fait. Sauf qu’à cause de mon cerveau défoncé à l’encre de BD, j’avais eu l’idée géniale de vraiment devenir un vengeur masqué. Ce qui était bel et bien raté. La réalité fait mal, surtout les coups qui en surgissent.

Ma deuxième pire grande idée fut de ne pas abandonner mon rêve malgré une série d’échecs cuisants.

Enfin, la dernière étincelle de non-génie à émerger de mon intellect fut d’ouvrir une entreprise de location de mes services. Je suis ainsi devenu le seul mercenaire au monde à porter des collants blancs et un masque d’Halloween bon marché. Autant vous dire que les clients n’affluaient pas.

Et pourtant ce matin-là, le téléphone sonna. Écroulé sur mon bureau, je me réveillai en sursaut, rompant de fait le filet de bave qui me reliait au tas de factures, digne édredon de fortune. Ma main tremblante décrocha le combiné et le conduisit à mon oreille. Une voix forte et aiguë me déchira le tympan.

« Je suis bien chez V.M. Location ?

— C’est cela même M’dame. Que puis-je pour vous ?

— J’aimerais faire appel à vos services. Vous chargez-vous bien d’intervenir pour pallier à l’incompétence des policiers ? »

Ça sentait la question piège : trop de mots compliqués pour ressembler à l’un de mes rares clients. Et pourtant, je m’entendis répondre :

« Oui M’dame.

— Très bien. Dans ce cas, vous devez être surchargé. Quand puis-je venir à votre bureau ?

— Attendez M’dame. Il faut que j’regarde ça. »

Je farfouillai dans un tas de papiers faisant le plus de bruit possible, juste histoire de…

« Quelle heure est-il ?

— Il est 14h18.

— 15h, ça vous irait ?

— Très bien. À tout à l’heure, Monsieur.

— R’voir M’dame. »

Une cliente, pincez-moi je rêve ! C’était ce que j’avais pensé sur le coup. Je m’étais redressé sur ma chaise. J’avais deux choses à faire impérativement. Premièrement, finir ma bouteille de whisky pour accuser le coup. Deuxièmement, descendre acheter une nouvelle bouteille avant son arrivée ; une cliente, ça se fêtait.



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